Depuis le 30 août 2023, la Transition a redistribué les cartes du pouvoir au Gabon, balayant un système longtemps verrouillé. Mais dans ce grand chamboulement, une espèce politique déjà bien ancrée a connu une multiplication fulgurante : les kounabelistes. Autoproclamés stratèges de l’ombre, courtisans nouvelle génération ou simples opportunistes en quête d’une ascension express, ils prospèrent dans ce climat où tout semble possible.
Autrefois, sous l’ère du Parti Démocratique Gabonais (PDG), le message était limpide : « le PDG au pouvoir n’a pas l’intention de vous passer le relais », comme dirait Eddy Malou. Les places étaient verrouillées, les ambitions contenues. Mais aujourd’hui, l’ambiance est tout autre. Un principal d’établissement devient en quelques jours conseiller spécial, un ancien acteur de second plan s’invente une stature de penseur politique. Tout le monde se découvre des talents de stratège, des accointances avec les décideurs et surtout une nouvelle mission : prouver sa loyauté au régime en place, quitte à forcer un peu le trait.
Le phénomène est si répandu qu’il dépasse largement l’ancien clientélisme du PDG. Avant, il fallait au moins des années de militantisme ou un réseau bien ficelé pour espérer décrocher un strapontin. Aujourd’hui, il suffit d’être au bon endroit, de dire ce qu’il faut à la bonne personne et surtout, de se montrer indispensable, quitte à exagérer ses connexions et ses compétences. Le kounabelisme s’impose ainsi comme un véritable art de la survie politique, une manière de se positionner sans vergogne dans cette nouvelle ère de la Transition.

Face à cette frénésie, une question se pose : jusqu’où cela ira-t-il ? Le système, qui se veut en rupture avec les pratiques du passé, peut-il réellement se débarrasser de ces nouveaux convertis de circonstance ? Rien n’est moins sûr. Pour l’instant, le kounabelisme vit son âge d’or, et chacun s’y engouffre avec un objectif clair : ne pas se négliger.
Mais à force de vouloir plaire à tout prix, certains en viennent à oublier que la Transition est censée être une parenthèse et non une fin en soi. Que se passera-t-il quand le vent tournera ? Ceux qui s’improvisent aujourd’hui conseillers, experts ou hommes d’influence se retrouveront-ils à nouveau dans l’ombre ? Ou bien auront-ils su manœuvrer pour rester dans le jeu, quel que soit le prochain système en place ?
En attendant, les kounabelistes poursuivent leur ascension, multipliant déclarations, génuflexions et prises de position stratégiques et mélangeant même Dieu à cela. Après tout, dans ce Gabon en mutation, il n’y a qu’une seule règle : celui qui se néglige se fait oublier.