Une correspondance en provenance de Mayumba, signée par des autorités traditionnelles et des acteurs de la société civile, ne saurait être interprétée comme une simple revendication de représentation locale. Elle constitue, en réalité, un assaut frontal contre les fondements de la République gabonaise.
Adressée au Président de la République, cette lettre exige la nomination d’un « vrai autochtone » à un poste gouvernemental, sur la base de critères ethniques et géographiques étroits. Une telle requête porte une atteinte grave à la cohésion nationale et à l’idéal républicain.
Le cœur du danger réside dans la définition ouvertement tribaliste et régionaliste de la légitimité à exercer des fonctions au sein de l’État. Il est ainsi exigé que le candidat ait des origines locales « notoirement connues », qu’il appartienne à l’une des huit tribus désignées, et qu’il maîtrise les langues vernaculaires de la région.
Ces critères érigent des barrières ethniques inacceptables pour l’accès aux responsabilités publiques, sapant le principe fondamental d’une République une et indivisible, où compétence, mérite et engagement doivent primer sur l’appartenance identitaire.
En conditionnant la légitimité d’un représentant de l’État à son pedigree tribal, ce plaidoyer promeut un repli identitaire dangereux. Il ne s’agit plus d’une demande de juste représentation, mais d’une tentative de fragmenter la nation en fiefs ethniques, niant la citoyenneté gabonaise commune et l’universalité du service public.
La critique ciblée à l’encontre de la ministre actuelle, Madame Syrielle Zora Kassa, illustre parfaitement cette dérive. Elle est récusée non pas sur la base de son bilan ou de ses compétences — des critères républicains légitimes — mais en raison de considérations identitaires arbitraires : ses origines jugées « inconnues », sa supposée non-appartenance aux tribus locales, ou encore sa prétendue maîtrise insuffisante des langues vernaculaires.
C’est l’émergence d’un discours dangereux, opposant les « vrais » Gabonais aux « autres », même au sein de la fonction publique. Le péril est immense : si une telle logique venait à être tolérée, même tacitement, elle ouvrirait une boîte de Pandore. Chaque localité, chaque groupe pourrait alors réclamer sa part du pouvoir selon des critères identitaires, paralysant l’action de l’État et rendant impossible la formation d’un gouvernement cohérent et efficace.
Ce serait la voie ouverte à l’exacerbation des tensions intercommunautaires, à la désintégration du tissu national, et à l’échec des projets de développement qui nécessitent, plus que jamais, unité et solidarité.
Ce plaidoyer n’est pas une requête légitime d’écoute démocratique, mais une régression grave vers le tribalisme politique. Il remet en cause l’idéal républicain selon lequel chaque citoyen, s’il est compétent et dévoué, peut servir la nation, indépendamment de ses origines.
Face à cette dérive, la seule réponse possible est une réaffirmation ferme et sans compromis des principes républicains : unité nationale, égalité des citoyens, primauté du mérite, et engagement au service de l’intérêt général.
Ignorer ce signal d’alarme serait un pari dangereux pour la stabilité et l’avenir du Gabon.