Le Gabon s’apprête à engager un investissement militaire d’une ampleur inédite. Le projet de loi de programmation militaire 2025-2029, présenté par la ministre de la Défense nationale, Brigitte Onkanowa, devant les députés, prévoit une enveloppe de 2 069,7 milliards de francs CFA destinée à la modernisation et au renforcement des capacités des forces armées. Si cette initiative répond à un impératif stratégique face aux menaces actuelles, son ampleur financière soulève des interrogations sur sa soutenabilité et son impact économique.
Présentée comme une « transformation profonde » de l’appareil militaire, cette programmation quinquennale vise à doter l’armée de moyens adaptés à ses missions et à renforcer son ancrage territorial. Toutefois, un tel effort budgétaire, dans un contexte économique déjà contraint, interpelle.
Mobiliser plus de 2 000 milliards de FCFA pour la défense pose inévitablement la question de l’origine des fonds et des arbitrages budgétaires à opérer. Le recours à l’emprunt apparaît probable, ce qui alourdirait davantage la dette publique. À défaut, un redéploiement massif des ressources internes pourrait être envisagé, au risque d’amputer les budgets alloués à des secteurs cruciaux comme la santé, l’éducation ou les infrastructures, déjà sous pression.
L’équilibre entre impératifs sécuritaires et exigences du développement socio-économique constitue dès lors un véritable défi pour le gouvernement. Face aux inquiétudes, la ministre Brigitte Onkanowa a assuré de « l’engagement à une gestion rigoureuse et transparente des fonds ». Une promesse essentielle, qui devra s’accompagner de mécanismes de contrôle efficaces afin de garantir une utilisation optimale des ressources, en cohérence avec les cinq priorités définies par la loi : acquisition d’équipements, construction d’infrastructures, renforcement des effectifs, amélioration des conditions de vie des militaires et appui au développement local.
Au-delà de l’aspect strictement militaire, ce vaste programme pourrait également générer des retombées économiques positives, à condition qu’il implique les entreprises locales dans les domaines de la sous-traitance, de la maintenance ou des services. Plusieurs députés ont d’ailleurs insisté sur le rôle que pourrait jouer l’armée dans les actions de développement local, ouvrant la voie à une contribution élargie des forces armées au progrès national.
Si l’ambition de doter le Gabon d’une armée moderne et opérationnelle d’ici à 2029 est affichée avec clarté et détermination, la réussite de cette programmation dépendra largement de la capacité de l’État à absorber ce choc financier sans compromettre les fondements de son développement. Les cinq prochaines années seront donc décisives pour mesurer l’efficacité et les véritables retombées de ce pari stratégique.